Le Sénat a adopté hier, en 2e lecture, la proposition de loi Paul Blanc visant à améliorer le fonctionnement des MDPH, conformément au vote de l’Assemblée nationale en février dernier. La loi a donc été adoptée avec les différentes mesures permettant des dérogations pour les bâtiments neufs.
Si cette proposition de loi prévoit des dispositifs favorables aux MDPH et aux questions de l’emploi (reconnu par tous les sénateurs, quels que soient le groupe parlementaire), c’est bien sur l’accessibilité (les articles 14 bis et 14 ter) que cette proposition de loi est scandaleuse !
L’Association des Paralysés de France (APF) condamne fermement ces possibilités de dérogations qui sont contraires à la convention de l’ONU relative aux droits des personnes en situation de handicap et la loi handicap de 2005 et qui font des personnes en situation de handicap, des citoyens de seconde zone[1], ne pouvant pas circuler librement.
L’APF déplore que le principe d’accessibilité soit attaqué de toutes parts, à la fois sur les bâtiments neufs et existants !
- Dans le cadre bâti neuf : la loi handicap de 2005 prévoit que toutes les constructions neuves doivent être accessibles à tous
Les mesures de substitutions proposées dans la loi Paul Blanc constituent une brèche au principe de conception universelle et encouragent le principe de dérogation. L’APF rappelle que, dans le cadre bâti neuf, aucune contrainte technique ne peut être opposée ! Ce qui apparaît infaisable ou coûteux est en fait plutôt lié à une méconnaissance de la règlementation et à un manque de formation car des solutions techniques existent. Un bâtiment doit s'adapter aux besoins des hommes, et non l'inverse.
Et sur les bâtiments à utilisation temporaire, du type touristiques, directement concernés par ces mesures de dérogations, faut-il rappeler que la Banque mondiale évalue entre 15 à 20% les pertes dans le secteur du tourisme en raison de l’inaccessibilité ?
- Dans le cadre bâti existant : la loi handicap de 2005 prévoit que tous les bâtiments existants doivent être accessibles au 1er janvier 2015
La loi handicap de 2005 prévoit le délai d’accessibilité pour les établissements recevant du public (ERP) au 1er janvier 2015. Dans son rapport, Eric Doligé, estimant que la France ne pourra pas tenir ce délai, propose de contourner l’obligation d’accessibilité ! Il propose :
- de changer la définition réglementaire : (la personne handicapée doit pouvoir occuper un bâtiment exactement comme un valide) par une approche fonctionnelle (l'obligation que la personne handicapée ait accès à toutes les fonctions du bâtiment sans qu’elle ait accès à toutes les parties du bâtiment).
- de considérer l'accessibilité en termes de services équivalents rendus à l'échelle d'un territoire. Cela équivaut, par exemple, à faire des kilomètres pour atteindre la seule école ou la seule piscine accessible dans le canton.
- de supprimer le délit pénal existant. Cela revient à dire que la discrimination par l'inaccessibilité est normale, tolérée, voire encouragée ?
Au final, l’APF constate de nombreux retours en arrière sur l’accessibilité en atténuant les obligations légales ! L’accessibilité, ce n’est pas que des bons principes et des intentions.
Les personnes en situation de handicap sont aussi des personnes réalistes et pragmatiques : seul un accès commun pour tous et partout est acceptable !
Et la bonne volonté ne suffit plus : de 1975 à 2005, 3 textes sur l’accessibilité peu contraignants, dont on constate aujourd’hui le résultat : trop peu a été fait et on constate aujourd’hui le retard à combler !
La question d’accessibilité ne date pas de 2005 : qu’ont fait tous les élus et les promoteurs pendant plus de 30 ans pour une cité accessible à tous ?
La loi Paul Blanc et le rapport Doligé : ouvertures de la brèche dans les dérogations à l’accessibilité !
La loi Paul Blanc et le rapport d’Eric Doligé reviennent sur un acquis fondamental pour les personnes en situation de handicap : l'obligation d'accessibilité. La loi handicap de 2005 constituait sur ce point un progrès de société en prévoyant notamment que tous les établissements recevant du public soient accessibles à tous. Aujourd'hui et malgré de vives protestations, les lobbies de l'immobilier et de l'hôtellerie ont obtenu de certains parlementaires la possibilité de déroger à ce principe.
Cette mesure constitue un grave recul social et une entrave évidente à la liberté de circuler des personnes à mobilité réduite.
L’APF appelle à une mobilisation générale avec une campagne sous forme de pétition et d'interpellation des parlementaires : Des bâtons dans les roues.
Cette campagne, réalisée par BDDP Unlimited, a démarré la semaine dernière, avec des annonces dans la presse quotidienne et la presse magazine, la diffusion d’affiche et de tracts et un blog avec une pétition à signer en ligne : www.desbatonsdanslesroues.org .
Malgré l’adoption de la proposition de loi par le Sénat hier soir, l’APF demande au Président de la République et au Gouvernement de revenir sur ces dispositions liées à l’accessibilité en supprimant les articles 14 bis et 14 ter. L’APF va continuer à se mobiliser contre ces dispositions et l’adoption du principe de conception universelle pour un environnement accessible à tous, quels que soient les situations de handicap et à tout âge.
Contact presse :
Evelyne Weymann : 01 40 78 56 59 – 06 89 74 97 37
[1] Hier soir, la délégation de l’APF n’a pas pu accéder à l’hémicycle du Sénat, comme tout citoyen, en raison de l’inaccessibilité de l’espace réservé au public. Le salon mis à disposition ne permettait pas de suivre les débats dans de bonnes conditions.